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Sciences de la vie et de la Terre

La taille des iguanes marins

15 / 11 / 2005 | Liliane Grandmougin

LA TAILLE DES IGUANES MARINS

Les iguanes marins sont des reptiles endémiques des îles Galapagos. Il n’y a qu’une espèce : Amblyrhynchus cristatus, mais sept sous-espèces dont la taille varie considérablement d’une île à l’autre.
Les scientifiques Martin Wikelski, Michael Romero et Corinna Thom ont voulu comprendre quels sont les paramètres responsables de la taille de ces animaux et en quoi cela influence leur taux de survie.

1S : phénotype, génotype, environnement :

 1 : Relevez les paramètres testés d’après le titre des documents et classez-les en facteurs internes / externes.
 2 : Analysez les données de chaque document séparément.
 3 : Portez dans un tableau les facteurs responsables d’une augmentation ou limitation de la taille des iguanes dans les conditions normales de milieu.
 4 : Que se passe-t-il lors d’une modification d’environnement ( El Niño, marée noire) ?
 5 : Concluez en résumant dans un petit texte comment est déterminé le phénotype « taille » des iguanes au cours du temps. Montrez en quoi celui-ci résulte de mécanismes complexes.

TS : évolution, sélection naturelle :

 1 : Analysez les données de chaque document séparément.
 2 : Expliquez comment s’effectue la sélection naturelle chez les iguanes marins pendant les périodes de « la Niña » puis « El Niño ».
 3 : En conclusion, complétez le schéma final en listant et reliant les différents paramètres par des flèches, à l’aide de vos déductions et des légendes fournies.

Quelques données sur les iguanes marins :
 Leur masse : peut varier de 1kg sur l’île de Genovesa (Nord Est de l’archipel) à 12kg sur Isabela (Sud Ouest, l’île la plus grande). La taille moyenne est d’environ 30 cm.
 Les prédateurs : surtout la buse des Galapagos, qui s’attaque aux jeunes individus, de petite taille.
 Alimentation : des algues vertes ou rouges le long des côtes qu’ils digèrent grâce à leurs bactéries intestinales. Les algues brunes sont mal digérées. Les iguanes sont morphologiquement adaptés pour nager et plonger dans l’eau de mer. Ils broutent les algues découvertes à marée basse ou plongent pour brouter en eau peu profonde. Ils peuvent passer 30mn en plongée dans des eaux à 11°C.
 Compétition interspécifique : pratiquement aucune ; ce sont les seuls vertébrés locaux à se nourrir d’algues.
 Compétition intraspécifique : aucune pour la nourriture. Les iguanes doivent « sprinter » vers les algues dès que les vagues se retirent et s’agripper aux rochers pour éviter d’être emportés au large. Chacun broute les algues sur son lieu d’arrivée. Les plus petits sont les plus véloces mais leur force est plus faible pour s’accrocher aux rochers (2N contre 24N pour les plus gros). Seuls les plus gros plongent pour s’alimenter (5% des individus, principalement les mâles).
 Environnement : îles volcaniques, baignées par des courants froids, ce qui favorise le phénomène « d’upwelling » (remontée de sels minéraux vers la surface). Les eaux sont donc riches en plancton végétal (phytoplancton) et animal (zooplancton) à la base des réseaux trophiques. Cet état, « La Niña » alterne régulièrement avec le phénomène « El Niño » qui se manifeste par l’arrivée d’un courant d’eaux chaudes ( jusqu’à 32°C) qui bloque l’upwelling. Il favorise aussi la prolifération des algues brunes.

Document 1  : Probabilité de survie des iguanes de l’île de Santa Fé, en fonction de leur taille.
Celle-ci est mesurée pour tous les individus du museau à l’orifice anal. Données de Février 1991 à Mars 1992.
En bleu, les mâles, en rose, les femelles.

Document 1

Document 2  : Le bilan des apports énergétiques (alimentation) et des dépenses (prise alimentaire, nage, course...) détermine la masse corporelle des individus.

Les scientifiques ont prélevé le contenu de l’estomac des iguanes par lavage, après chaque repas pour évaluer l’efficacité de la prise alimentaire (quantité d’algues en fonction du nombre de bouchées comptées) et son apport énergétique.
L’énergie reçue par l’animal ne peut descendre sous un seuil minimum (métabolisme basal), ce qui détermine la masse maximale de l’individu.

 En bleu : courbes témoins sur deux îles. L’endroit où la courbe croise celle du métabolisme basal détermine la masse maximale (pointillés). Les petits iguanes peuvent encore grossir, tandis que les plus gros sont à leur limite énergétique.
 En rouge : mesures effectuées pendant le El Niño de 1992/1993. Lors de ce phénomène, la population peut perdre jusqu’à 60% de ses effectifs.

Document 2

Document 3  : Efficacité de la prise alimentaire (vitesse des bouchées pour arracher les algues) et digestion en fonction de la température corporelle.

Les iguanes ne peuvent réguler leur température interne. Leur difficulté est de pouvoir se déplacer dans des eaux froides et maintenir leurs fonctions vitales, tandis que leur température interne diminue.
Après s’être alimentés ils passent de longues heures au soleil pour se réchauffer.

Document 3

Document 4  : Masse des iguanes en fonction de deux paramètres : la taille des algues broutées et la température corporelle.

 En vert : les conditions empêchent l’animal de digérer.
 Ovales oranges : masses prévues par les chercheurs
 Barres rouges : masses mesurées sur le terrain. (Pour l’île de Seymour, un apport de nourriture complémentaire vient de l’intérieur des terres.)

Document 4

Document 5  : Quantité de corticostérone mesurée chez des iguanes de différentes conditions corporelles.

La corticostérone est typiquement une « hormone du stress » chez les iguanes. Les animaux les plus affamés et amaigris ont l’indice le plus faible.

Document 5

Document 6a  : Chances de survie des iguanes marins de Santa Fé, en fonction de leur taux plasmatique de corticostérone. Celle-ci affaiblit le système immunitaire à forte concentration.

Le 17 Janvier 2001, la Jessica s’échouait près des côtes de San Cristobal, une des nombreuses îles de l’archipel des Galapagos, libérant 3 millions de tonnes d’hydrocarbures. Les conséquences sur la pêche et le tourisme furent immédiates, mais l’impact écologique sur une faune unique au monde, tant redouté, fut évité grâce à de forts courants marins dispersant le polluant au large.
Les scientifiques constatèrent pourtant des effets à court et long terme -un an après- de la catastrophe pétrolière. Sur l’ensemble des iguanes marqués, 62% de ceux vivant sur le site contaminé moururent...de faim. Il semblerait que les reptiles aient consommé de petites quantités d’hydrocarbures, suffisantes pour tuer leur flore intestinale.

Document 6

Document 6b  : On a mesuré d’autres critères pouvant expliquer la taille des iguanes.
 Chez les femelles : plus elles sont grosses, plus la taille de leurs œufs est importante (pas plus de 4 par ponte). La taille de l’œuf influence directement la taille des petits à la naissance.
 Chez les mâles : Vers 12-15 ans, le mâle a une taille suffisante pour défendre son territoire par des combats ; les plus gros sont avantagés.
 Le vainqueur voit son taux de corticostérone baisser, tandis qu’augmente son taux de testostérone.
 Les femelles choisissent les mâles en fonction du nombre de hochements de tête que ceux-ci effectuent lors des parades.
 Des injections de testostérone à des iguanes « satellites » (en marge du territoire des grands mâles) a provoqué chez eux une augmentation du nombre de hochements de tête. Des injections bloquantes de testostérone chez les mâles dominants ont diminué ces hochements et leur ont fait perdre des femelles . (Mais les « satellites » n’en ont pas gagné pour autant : les autres mâles territoriaux non testés en ont profité pour étendre leur harem et ont chassé tous les sujets testés !).

Document 7  : Evolution de la taille des individus au cours du temps.
Les scientifiques ont constaté chez les iguanes marins un phénomène unique chez les vertébrés...lequel ?

Chaque courbe représente le suivi d’un individu. (Seuls quelques uns sont figurés ici)(Attention, il s’agit bien de la taille et non de la masse !)

Document 7

Document 8  : Survie des iguanes marins en fonction de leur capacité à changer de taille. (celle-ci est exprimée du museau à l’orifice anal en mm)L’origine de ce mécanisme n’est pas connu, mais semble génétique et lié au taux de corticostérone.
Barres bleues = intervalle de confiance.

Document 8

Conclusion

Schéma bilan

 D’après Nature vol.403, 6 Janvier 2003 - M.Wikelski & :C.Thom »Marine iguanas shrink to survive El Niño » et M. Wikelski & M.Romero « Body size, performance and fitness in Marine Galápagos Iguanas »

 ©Photos en fond de graphiques : L.Grandmougin

Pour en savoir plus  :

 Charles Darwin Research Station
 Une visite virtuelle des Galápagos
 Le site de Martin Wikelski
 Une classe sur le terrain

Piste de correction