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Sciences de la vie et de la Terre

Orchidées d’Île de France

12 / 06 / 2013 | Isabelle Lenfle

Vous vous souvenez de cette magnifique histoire où Gaston bricole au bureau une mini-tondeuse pour passer entre les pâquerettes de chez sa tante Hortense ? (Hommage à Franquin)

Et bien c’est ce qui m’est arrivé ce samedi. Je me suis fait des courbatures à détourer les orchidées de la pelouse à la serpe pour permettre à la tondeuse de passer sans massacrer leurs délicates hampes fleuries.

Les choses se sont faites en plusieurs temps.

Premier temps : la découverte

C’est sur la bande de pelouse coté rue que la première orchidée a été découverte devant la maison. Une orchidée pyramidale (Anacamptis pyramidalis). Belle et rare.

Orchis pyramidale
Orchis pyramidale

Un tuteur a été dressé, un petit mot ajouté : Attention, orchidée ! Ne pas tondre.

Évidemment quelques semaines plus tard, crevecoeur, le cantonnier avait tondu la pelouse et l’orchidée avec.

Deuxième temps : l’apprentissage.

Pour protéger efficacement l’orchidée pyramidale, elle a été alors déplacée hors de la pelouse, dans un massif floral.

C’est alors que nous avons observé ses feuilles. Avant de fleurir, elle ressemble à une touffe de plantain, avec des feuilles plus pointues.

Plus tard, ce même type de rosettes de feuilles est retrouvé dans la pelouse devant la maison. Il faut se rendre à l’évidence, le cantonnier n’est pas le seul à couper des orchidées à grands coups de tondeuse.

Commence alors le repérage de printemps, marquage des touffes et évitage avec la tondeuse. Au début tout est facile, il y a 4 ou 5 orchidées dans la pelouse.

Durant l’été ce sont des ophrys bourdon qui s’ouvrent devant nos yeux esbaudis. Quelle fleur étonnante !
Vite, des photos.

Ophrys bourdon
Ophrys bourdon

Et aussi une autre espèce : l’orchidée à odeur de bouc (Himantoglossum hircinium). Très jolies fleurs complexe. Odeur pas si épouvantable si on est prévenu.

Orchis bouc
Orchis bouc
Vue avant la floraison

Troisième temps : le partage

Quelques années plus tard, nous n’avons même plus le courage de protéger les orchis à odeur de bouc, il y en a des quantités partout. Elles ne seront pas toutes coupées, bien sur.

Par contre les ophrys bourdon et orchis pyramidale sont l’objet de tous les soins. Elles se développent d’ailleurs avec enthousiasme dans cet environnement amical et nous ne les comptons plus. Il faut une solide collection de bâtons pour marquer leur emplacement à toutes et la pelouse ressemble à une exploitation de moules de bouchot. D’ailleurs les oiseaux apprécient et on voit un rougequeue noir venir se percher régulièrement.

C’est alors que nous nous rendons compte que notre famille n’est pas la seule à avoir remarqué les orchidées. Un groupe de naturalistes amateurs passant devant la maison nous fait compliment du petit écriteau indiquant l’orchidée pyramidale. Ils sont intervenus pour déplacer une douzaine d’orchis à odeur de bouc dans une zone sans tondeuse, ils vont également organiser une promenade orchidophile sur la région et nous leur proposons de leur ouvrir nos portes.

Grâce à leur passage nous savons maintenant que nous n’avons pas une bête pelouse mais une charmante prairie calcicole, milieu préféré de certaines orchidées locales. Le coté acide et sec du sol, la position très ensoleillée ravit les oprhys et les orchis à odeur de bouc. La pyramidale semble préférer des situations aussi sèches et acides, mais plus ombragées.

Ils nous ont également permis de faire la différence et de nommer les 2 espèces différentes d’ophrys : des abeilles (Ophrys apifera) et des bourdons (Oprhys fuciflora). Sans compter les quelques pieds hybrides des deux espèces.

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Depuis nous nous sommes procuré le must have des orchidophiles : Les Orchidées de France, Belgique et Luxembourg, 2ème Edition de M. Bournerias, D. Prat chez biotope. Il faut avoir les moyens de vérifier ses informations.

En nous promenant dans le village nous avons pu observer de grandes quantités d’orchis à odeur de bouc sur tous les versants exposés au soleil. Celles ci sont particulièrement rustiques et supportent des années de coupe qui les empêche de fleurir sans se décourager.

Par contre, le village est un des rares à présenter cette richesse et nous devons y faire attention.

D’ailleurs le groupe de naturalistes amateurs est intervenu auprès de la mairie pour faire valoir ce patrimoine biologique. Des îlots conservatoires ont été installés en différents endroits du village où les pieds d’orchidées ont été déplacés pour les mettre à l’abri des tondeuses et leur permettre d’être admirés de tous. Deuxième avantage : les exposer permet d’apprendre à reconnaître ces plantes étonnantes. Une discussion avec le cantonnier a été fructueuse et il fait maintenant aussi attention que nous aux orchidées des pelouses dont il a la charge. Je ne l’ai pas encore vu avec une serpe, mais il ne faut pas trop lui en demander non plus.

La morale de l’histoire : on ne peut protéger que ce que l’on connaît. Alors éduquons, éduquons.

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