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Sciences de la vie et de la Terre

Pesticides et pollution des sols : des données moléculaires à prendre en compte.

01 / 03 / 2000 | Liliane Grandmougin | Sacha Touille

De
très nombreuses molécules du monde vivant sont chirales,
c’est-à-dire qu’elles existent sous deux formes " en miroir ",
comme les deux mains d’un individu. Ces deux formes dites " énantiomères
" présentent des propriétés optiques opposées
 : l’énantiomère qui dévie la lumière vers
la droite est appelé " forme L " (pour lévogyre), l’autre
qui dévie la lumière vers la gauche est la " forme D " (pour
dextrogyre) [1]. Ces conformations spatiales différentes confèrent
parfois aux molécules chirales des propriétés chimiques
différentes, dont il faut désormais tenir compte dans la
fabrication et l’utilisation des pesticides utilisés en agriculture.
En effet, beaucoup de pesticides et substituts de fréons sont des
molécules chirales, dont le mode d’action et les effets pathogènes
(toxicité, effets mutagènes, carcinogènes ...) dépendent
de leur forme L ou D. Les micro-organismes qui les dégradent semblent
préférer une forme ou l’autre, ce qui implique de fabriquer
des pesticides à une seule " forme moléculaire ", dégradable
par les bactéries du sol. Même si elle est coûteuse,
la séparation des énantiomères est possible aujourd’hui.
Des études menées au Brésil et États-Unis en particulier,
ont montré par ailleurs que des variations de l’environnement du
sol peuvent altérer voire modifier les "préférences"
des microbes : un réchauffement du sol, l’apport d’engrais organiques,
peut faire basculer le type de dégradation effectué d’un
mode D à un mode L et inversement. Dans certains cas, le produit
de dégradation est plus toxique que celui de la forme initiale,
dans d’autres il l’est moins ou a une persistance différente. Il
apparaît donc important de tenir compte de ces données écologiques
lors de l’utilisation des pesticides, pour éviter une modification
de l’activité des micro-organismes et donc la libération
de substances toxiques pour l’environnement ou la santé.

Liliane
Grandmougin

Pour
en savoir plus :

Nature (octobre
1999), vol 4 p 890

[1Par exemple,
l’acide lactique produit par nos muscles n’est pas strictement le même
que celui produit par les bactéries des yaourts, puisque le premier
est sous forme L alors que le deuxième est sous forme D.