Logo du site

Sciences de la vie et de la Terre

Un fossile peu frileux

01 / 04 / 2012 | Great Investigation in Biology

À poils, la truite !

Une récente expédition en Sibérie a mis a jour des graines de Silene, une petite plante que l’on a pu faire germer après une hibernation dans le permafrost vieux de 13000ans. Mais ce n’est pas tout ! D’autres fossiles intriguent les chercheurs. En explorant des argiles de l’ancienne rivière Yermak, les scientifiques ont mis a jour un spécimen unique de téléostéen parfaitement conservé, proche des truites, qui présente une particularité : ses écailles sont allongées et filiformes, d’où son nom donné par les paléontologues de l’institut de paleo-écologie d’Irkoutsk : Onchorynchus tricholepis.

L’état d’exceptionnelle conservation a permis d’observer des coupes d’écailles de l’animal. L’élasmondine, la partie constituée de collagène (écaille élasmoide) est bien conforme à celle des actinoptérygiens, mais la partie externe, minéralisée, a disparu. Un séquençage des gènes concernés a montré une délétion de la portion p58 du troisième gène à gauche, qui code précisément pour les enzymes chargées de la minéralisation du tégument, tandis que la partie droite a subi une duplication à l’origine de la sur-expression et allongement des fibres.

Ce phénomène de pilosité n’est pas nouveaux dans d’autres groupes que les mammifères , on le trouve par exemple chez des amphibiens, comme trichobatrachus robustus. Les paléontologues hésitent encore sur les avantages adaptatifs de ce curieux système pileux pour cette truite fossile : l’environnement particulièrement froid devait conduire régulièrement à des séquences de gels / dégels de portions de rivières et cet équipement aurait pu lui servir de protection pour éviter de se retrouver prise dans les glaces. Une autre hypothèse est que ces écailles particulières lui assuraient un camouflage efficace contre les chasseurs sibériens, avides de gibier, cet animal étant plus accessible qu’un mammouth. Malheureusement, ce revêtement aurait pu aussi être convoité comme parure tribale, signe d’habileté à la pêche en eau vive... Cela expliquerait d’ailleurs l’absence de restes jusqu’à ce jour, à part des arêtes au milieu des foyers, l’espèce ayant été rapidement menée à extinction. Quelques peintures rupestres y faisaient peut-être référence mais elles sont mal conservées et leur interprétation est sujette à caution.

Chasse, pêche et traditions
Chasse, pêche et traditions
Une scène de chasse typique du Paleosiberien. L’animal représenté pourrait être O.tricholepis

L’étape suivante reste entre les mains des généticiens : un projet de clonage est en cours avec une fusion de cellules d’O.tricholepis et un oeuf énucléé d’espèces actuelles apparentées.
La suite dès parution dans un nouvel article du Big Mag, l’an prochain !

O.tricholepis
O.tricholepis
Un spécimen de O.tricholepis dans son environnement froid et hostile. (reconstitution)