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Sciences de la vie et de la Terre

bermudes

01 / 09 / 2005 | Frédéric Lalevée | Sacha Touille


Date :
Avril 2005

{{}}AUTEUR :
Frédéric LALEVÉE


Niveau concerné :

Lycée
Type
Fiche informative

Les causes de la crise Crétacé-Tertiaire

Nouvelles découvertes,
nouvelles implications

 

Qu’est-ce qui réunit la disparition des Dinosaures, le triangle des Bermudes et le projet fou du professeur Stevenson d’envoyer une sonde au centre de la Terre ? C’est le trajet d’une grosse météorite ayant percuté la Terre il y a 65 millions d’années.

La
communauté scientifique connaît maintenant bien
la crise biologique qui a affecté la Terre il y a environ
65 millions d’années. Ce n’est pas la crise la plus importante,
mais on pense que la moitié des espèces a disparu.
Parmi les espèces disparues, les plus connues sont incontestablement
les Grands Reptiles. Les causes les plus communément
admises de ces disparitions sont un ou plusieurs impacts météoritiques,
dont l’un a été identifié à Chicxulub
(péninsule du Yucatan, Mexique) et un épisode
volcanique de grande intensité, qui a mis en place les
Trapps du Deccan, en Inde.

---Par
ailleurs, l’existence de disparitions inexpliquées dans
le triangle des Bermudes n’est plus à démontrer.
Les disparitions de bateaux et d’avions se sont accumulées
au cours du 20° siècle et la zone de disparitions
a été baptisée Triangle des Bermudes en
1964 ("The Deadly Bermuda Triangle").

---Enfin,
en 2003, le professeur Stevenson (3), du California Institute
of Technology, a émis le projet d’explorer le centre
de la Terre avec une sonde constituée d’une énorme
masse de fer en fusion, d’environ 100 000 tonnes. Celle-ci pénétrerait
dans le sous-sol par gravité, à l’inverse de ce
que fait une masse de magma lorsqu’elle remonte des profondeurs
de la Terre, et atteindrait le centre de la Terre en une semaine.

De
nouvelles données et découvertes permettent de
relier ces trois faits et expérience

---La
tomographie sismique des masses océaniques dans l’Atlantique
Nord

---La
tomographie sismique est une méthode utilisée
par les géophysiciens depuis une vingtaine d’années,
pour explorer à distance la lithosphère et le
manteau terrestre. Cette technique repose sur les retards relatifs
que prennent certaines ondes sismiques, en fonction des variations
latérales de température des matériaux
rocheux. On peut ainsi repérer la lithosphère
en subduction dans le manteau, ou la remontée convective
que constitue un point chaud.

---Appliquée
depuis peu aux océans, cette technique permet de repérer
les mouvements des masses d’eau, lorsqu’ils affectent des masses
de températures différentes. C’est ainsi que les
mouvements verticaux, ascendants ou descendants sont particulièrement
bien détectables. De plus, ces mesures se faisant à
distance, il est possible d’enregistrer en continu, durant des
années, les mouvements de l’eau en n’importe quel endroit
de la planète.

---La
tomographie sismique appliquée au triangle des Bermudes
par le géopysicien Nonbiri Itazura, de l’univertsité
de Tokyo, a permis de détecter des mouvements descendants
intervenant à intervalles plus ou moins réguliers
(1). De véritables tourbillons descendants, très
violents et de durée inférieure à 10 minutes
se mettent en place environ quelques fois par mois, et ceci
en particulier dans l’Est de la zone. Ces tourbillons descendants
rappellent les tornades par leur taille, ce qui les rend quasiment
indétectables de la surface, à moins d’être
juste à l’endroit du tourbillon. En effet, les tornades
se voient de loin dans l’atmosphère mais la faible transparence
de l’eau les rend invisibles de loin.

---Une
meilleure précision de la position absolue du point d’impact
de la météorite de Chicxulub

---Depuis
que le cratère de Chicxulub a été détecté,
au nord de la péninsule du Yucatan, puis daté
de - 65 MA ( + 0,3), on lui attribue un rôle majeur
dans la crise Crétacé-Tertiaire. La position absolue
du cratère, c’est à dire la position de l’impact
dans un repère terrestre fixe et indépendant de
la dérive des continents n’est connue avec suffisamment
de précision que depuis quelques années (4). La
carte suivante indique cette position.


-On
voit sur cette carte que l’est du Triangle des Bermudes coïncide
avec la paléoposition de la zone qui a été
percutée par la météorite.

---Les
positions absolues de l’impact de Chicxulub et des Trapps du
Deccan

---La
position absolue du point chaud qui est à l’origine des
Trapps du Deccan est connue depuis plusieurs décennies.
Il s’agit de la position actuelle de la Réunion, à
21 ° de latitude sud. Or la position actuelle du cratère
de Chicxulub est à 21 ° de latitude nord et sa position
ancienne, à quelques degrés plus au nord. En latitude
comme longitude, le cratère de Chicxulub et le point
chaud de la Réunion sont presque aux antipodes l’un de
l’autre.

---C’est
cette situation relative qui a fait suggérer que les
deux phénomènes pouvaient être reliés.
Le professeur Stevenson aurait été devancé
dans son projet de faire traverser la Terre par une masse ferreuse.
Il se pourrait que la météorite ait traversé
le globe de part en part.

---A
ce sujet, deux remarques importantes.

---Il
est généralement admis que les grosses météorites
se vaporisent entièrement lors de l’impact. Si l’hypothèse
d’une traversée de la Terre par une météorite
se confirme, il faudra trouver une explication. Peut-être
qu’une première météorite aurait creusé
un premier cratère et que la suivante, en percutant un
matériau moins dur car partiellement en fusion aurait
pu ne pas se vaporiser et se comporter comme la sonde du projet
de Stevenson.

---Le
fait que le cratère et les Trapps soient aux antipodes
l’un de l’autre paraît ne pas être un argument en
soi car une météorite ne percute pas forcément
la Terre perpendiculairement à la tangente au point d’impact
et on pourrait imaginer un trajet interne ne passant pas par
le centre de la Terre. Cependant, si la force qui a permis à
la météorite de traverser la Terre est la gravité,
comme dans le cas de la sonde de Stevenson, la trajectoire a
dû passer par le centre de notre planète, ou à
proximité.

Les
pertes liquides au fond du triangle des Bermudes

---Exposons
sans plus tarder l’hypothèse qui, si elle est confirmée,
pourrait conduire à une des découvertes géophysiques
majeure du 21° siècle.

---Une
météorite (ou plusieurs) de grande taille percute
la terre au niveau de ce qui deviendra plus tard la péninsule
du Yucatan (que nous appellerons lithosphère Yucatan),
mais qui se trouve au-dessus de l’asthénosphère
Bermudes actuelle). La traversée de la lithosphère
puis de l’asthénosphère fragilisent ces zones
et les transforment en un cylindre brêchifié. La
traversée, puis la sortie aux antipodes, au niveau de
l’asthénosphère réunionnaise mais de la
lithosphère du Deccan, initie le point chaud de la Réunion.
Les Trapps se mettent en place.

 

---Le
temps passe et les continents dérivent. Une lithosphère
océanique se positionne progressivement au-dessus de
l’asthénosphère brêchifiée, située
initialement sous le Yucatan. La lithosphère océanique
subit (par gravité) l’influence de la zone fragilisée
sous-jacente et se craquèle, laissant passer de "petits"
filets d’eau qui génèrent les tornades descendantes
dans l’est du triangle des Bermudes. L’Homme apparaît
sur terre, construit bateaux et avions, qui, s’ils passent à
proximité d’un tourbillon, sont emportés en quelques
minutes dans la lithosphère et peut-être plus loin.

 

---Ainsi
pourrait être expliqué le mystère du Triangle
des Bermudes. Cependant il reste des interrogations :

---Il
faut vérifier l’existence du cylindre brêchifé
dans la lithosphère du Yucatan, c’est-à-dire sous
le cratère de Chicxulub. Les relevés de forage
semblent indiquer que les roches sont "en place" et
non déformées sous les niveaux brêchifiés.
Cela reste à confirmer, mais il pourrait y avoir une
autre explication. Ce ne serait pas le bon cratère. En
effet, la découverte de plusieurs couches contenant de
l’iridium dans le Golfe du Mexique semble indiquer qu’il y a
eu plusieurs impacts (2). Les cratères restent à
découvrir.

---Il
reste également à déterminer à quelle
profondeur s’accumulent les bateaux et avions. Pourra-t-on les
retrouver pour tester la théorie ?

Un
cimetière de bateaux

---Curieusement,
un des plus grands chantiers de démantellement de bateaux
se situe à Alang, en Inde, dans la province du Gujarat,
au beau milieu de la zone des Trapps. Pourrait-il y avoir un
rapport entre les disparitions dans le Triangle des Bermudes
et l’accumulation de bateaux dans les chantiers de démolition
d’Alang ?

---Si
des bateaux étaient emportés depuis le Triangle
des Bermudes, en suivant le même chemin que la météorite
qui a traversé la Terre, ils ressortiraient au niveau
de l’île de la Réunion, probablement mélangés
à la lave en fusion. Il est donc peu probable de retrouver
un jour un quelconque bateau disparu dans le chantier d’Alang.

---En
revanche, il sera peut-être possible de vérifier,
en étudiant la géochimie des éléments
en traces, si les laves de la Réunion ont été
ou pas contaminées par des éléments chimiques
constituant les bateaux et avions disparus dans le Triangle
des Bermudes.

L’origine
des points chauds

---L’éclaircissement
du mystère du Triangle des Bermudes aura sans doute un
fort impact sur le public, mais ce qui retiendra l’attention
des géologues ; géophysiciens et océanographes
sera indubitablement la théorie explicative des points
chauds qui parsèment notre planète.

---S’il
est établi que le point chaud de la Réunion est
bien d’origine météoritique, il sera tentant d’étendre
l’explication à l’ensemble des points chauds de la planète.
Les points chauds seraint situés aux antipodes des impacts
météoritiques majeurs que la terre a subi depuis
sa formation.

---Les
plus gros impacts se situant au cours des toutes premières
étapes du bombardement météoritique ; les
points chauds devraint donc être très anciens.
Cependant, il est possible que les impacts n’ont pas généré
de points chauds lorsqu’ils étaient très nombreux,
chacun remaniant les effets du précédent. On peut
envisager que les impacts ne sont devenus efficaces (hot spot
generator) qu’à partir d’une certaine date de l’histoire
de la Terre

Conclusion

---Nous
avons cité beaucoup d’hypothèses et

des arguments encore ténus. Beaucoup reste à découvrir.
Nous ne pouvons que citer les premiers mots de l’article de
D Stevenson "Planetary missions have greatly enhanced
our understanding of the solar system and how planets work.
There is no correspondingly ambitious effort for Earth’s interior,
where there are some equally fascinating scientific issues."

Bilbliographie

1.
Itazura Nonbiri.
Local
downwelling

in
west-northern Atlantic : a preliminary report. Proceeding of
the 50° annual meeting of the Oceanographical Society, p
1226, Erusebihe, Tokyo, 2004.

2.
Keller G, Stinnesbeck W, Adatte T, Stûben D
. Multiple
impacts across the Creyaceous-Tertiary boundary. Earth-Science
Reviews 62 (2003) 327-363.

3.
Stevenson David
.
A modest proposal : mission to Earth’s core. Nature. May 15,
2003

4.
Vrielynck Bruno et Bouysse Philippe
Le visage changeant
de la Terre, Commission de la carte géologique du Monde, Éditions
UNESCO, 2003.