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Sciences de la vie et de la Terre

Éduquer à l’usage responsable du smartphone

30 / 06 / 2013 | Patrice Nadam | Nathalie Lepouder | Vincent Audebert

Bien que l’utilisation des smartphones dans un contexte pédagogique puisse représenter un véritable enrichissement pour l’élève, leur usage en classe fait peur, tant aux enseignants qu’aux parents… et parfois même aux élèves. Les craintes sont de deux ordres. Celles liées à la maîtrise de son (ses) identité(s) numérique(s) et celles liées aux abus de comportement.

L’identité numérique est l’ensemble des traces que peut laisser un utilisateur. Ce sont les éléments qu’il a renseignés dans son profil, les traces qu’il laisse lors de ses diverses consultations (sites visités, géolocalisation, abonnements et achats effectués…) et tout ce qu’il peut exprimer sur le Net (publications, commentaires ...). Ces traces contribuent également, en partie, à sa e-réputation.

Par ailleurs, certains redoutent des abus. Ils ont la sensation d’un usage chronophage durant lequel l’élève perd encore son temps devant un écran. Ils craignent également une utilisation inadéquate de l’appareil en classe : réception d’appels téléphoniques, envoi de sms, jeux, prises de photos avec détournement possible des images...

Les élèves possèdent un smartphone et sont rarement sensibilisés à un usage responsable de cet appareil qu’ils manipulent au quotidien. Utiliser le smartphone en classe est l’occasion de le faire ! Il ne s’agit pas de dépeindre aux élèves un environnement dangereux, mais de les accompagner dans leur réflexion. Quelles traces veulent-ils laisser ? Quelles informations sont réellement utiles ? Quelles précautions doivent-ils prendre pour communiquer avec les uns et les autres ? Les règles de savoir vivre sont-elles différentes avec un smartphone ?

L’usage du smartphone est également l’occasion de rappeler la législation en vigueur dans le cadre du respect de la propriété intellectuelle (droits d’auteur et droits voisins).

Durant l’expérimentation, les élèves ont été respectueux des droits d’auteurs et des recommandations faites. Ce fut l’occasion aussi de leur faire découvrir de nouvelles fonctionnalités et paramétrages qui leur étaient inconnus. Parmi eux, les utilisateurs avertis du smartphone sont relativement rares.

* Négocier une charte de bonne conduite.

Avant toute utilisation, il semble indispensable de négocier une charte avec les élèves et de prévoir avec eux les conduites à tenir en cas de manquement à la règle. Il est également important de bien préciser le cadre de l’utilisation.

Les règlements intérieurs des établissements intègrent généralement les règles du bon usage du numérique. Il n’est pas souhaitable d’en ajouter un supplémentaire mais de s’appuyer sur l’existant, quitte à demander une dérogation ou une modification si le règlement intérieur ne permet pas l’usage du smartphone en classe. Du fait d’une utilisation qui peut sembler marginale, il est indispensable de clarifier auprès des élèves les objectifs et de prendre le temps de leur expliciter ce qu’on entend par un usage responsable. C’est l’occasion d’échanger sur les craintes de chacun. Ils accueillent généralement avec enthousiasme cette nouvelle utilisation de leur smartphone. Ils se montrent respectueux des bons usages afin de ne pas perdre ce qui pour eux est souvent de l’ordre du privilège.

* Diffuser des images.

Dans le cadre des activités réalisées, les élèves ont appris à réaliser des photographies qui ne permettent pas de les identifier et de divulguer leur identité, ni de nuire à la e-réputation de leurs camarades ou du personnel. Une enseignante rapporte une anecdote qui témoigne de la nécessité d’une vigilance permanente.

Lors d’une dissection, deux élèves ont pris spontanément des photos sur lesquelles elles étaient parfaitement identifiables et qui « théâtralisaient » l’activité. Je leur ai demandé de me montrer les clichés effectués. Je leur ai rappelé la charte morale qu’elles avaient conclue... Elles ont alors immédiatement supprimé les clichés et rangé leurs appareils ....

Il est important de leur faire distinguer les usages privés des usages scolaires ou professionnels. On peut ainsi les amener à réfléchir sur l’image qu’ils veulent donner d’eux-mêmes et du travail réalisé, avec le risque que cette image soit retransmise sur les réseaux sociaux par un tiers.

Il est nécessaire de faire attention aux demandes d’autorisation des applications au moment de leur installation. En effet, on peut très rapidement diffuser sans le vouloir les photographies de sa galerie personnelle si on ne maîtrise pas ces paramètres.

* Maîtriser les paramètres de la géolocalisation

Les appareils mobiles peuvent être géolocalisés. Son utilisateur est potentiellement localisable à tout moment. Le procédé de géolocalisation se base sur les différents réseaux existants : GPS, GSM ou Wifi. Il est possible de désactiver ou de suspendre le service de géolocalisation de l’appareil.

Tous les élèves n’ont pas conscience de l’existence de cette géolocalisation. Peu d’entre eux savent d’ailleurs modifier les paramètres de géolocalisation des applications installées. Une sensibilisation est nécessaire.

* Respecter les règles de communication

Prendre une identité numérique spécifique pour un usage scolaire est un bon réflexe. Ne pas mélanger ses différents profils (ses différentes identités numériques) est indispensable pour conserver son identité privée.

On ne s’adresse pas à son professeur comme on le ferait avec ses amis. De même, dans le cadre de l’activité en classe, il est important de faire respecter les règles de savoir vivre en communauté lorsque les élèves communiquent entre eux, même si ces derniers peuvent échanger différemment dans d’autres contextes.

* Gérer son temps

Lors de la consultation d’informations depuis les réseaux sociaux, l’usage du smartphone peut être détourné de sa fonction d’apprentissage et faire perdre un temps précieux à l’élève.
Une élève de seconde raconte :

Je voulais m’informer de l’actualité scientifique de la semaine mais, en me connectant, j’ai regardé l’actualité de mes amies, j’ai vu une publicité à droite et je suis partie de lien en lien.... J’ai été surprise lorsque ma mère m’a appelée, il était temps de dîner.... 1h30 s’était passée et je n’avais pas fait mon travail

Qu’il s’agisse des smartphones ou de tout autre support connecté à Internet, il est important d’apprendre les gestes mentaux qui permettent de travailler efficacement comme fermer son esprit à toute sollicitation parasite. La sérendipité [1] peut être le fruit du butinage sur internet, mais ce dernier doit être efficace.

C’est également ici l’occasion de sensibiliser les élèves au fait que le téléphone représente une source de parasitage lors des phases d’apprentissage ou de travail personnel....

* Contrôler ses appels et SMS

On peut redouter des appels ou l’envoi de SMS intempestifs dès lors que les smartphones sont sur les tables. Là encore, une charte des bons usages permet d’éviter cette situation qui n’a cependant pas été observée au cours de l’expérimentation. Pour plus de tranquillité, il peut être demandé aux élèves de mettre leur smartphone en mode "avion" ou "hors connexion", dès lors que la connexion n’est pas nécessaire.

* Quelques liens utiles

Le site Internet responsable d’éduscol propose un dossier Communication et vie privée qui traite notamment de la maîtrise de son identité numérique et de la communication pour travailler collectivement

Le site de la CNIL propose des outils pédagogiques et notamment une fiche sur la sécurisation de ses informations sur appareil portable. Des posters peuvent être imprimés et affichés dans la classe, comme les 10 conseils pour rester net sur le web

[1La sérendipité peut être définie comme une « trouvaille » fortuite faite lors de la recherche de quelque chose d’autre. http://fr.wikipedia.org/wiki/Sérendipité