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Sciences de la vie et de la Terre

Comment faire un grand bec ?

25 / 08 / 2006 | Liliane Grandmougin

La théorie de Charles Darwin sur la sélection naturelle est souvent illustrée par l’exemple des pinsons des Galapagos, bien que le grand homme n’ait pas tout de suite vu leur parenté. En effet, la forme de leur bec, étroitement liée à leur alimentation, est si variée qu’ils semblent appartenir à des espèces très éloignées. Pourtant, la douzaine d’espèces que l’on compte sur ces îles dérive bel et bien d’un même ancêtre commun. Dans des travaux récents, Abzhanov et ses collègues ont étudié les relations étroites entre milieu de vie et forme du bec, à l’échelle moléculaire.

Les recherches se sont portées sur l’expression de gènes impliqués dans la construction du squelette facial chez les vertébrés et synthétisés au début du développement embryonnaire. L’un d’eux, codant pour une protéine intervenant dans la communication cellulaire, BMP4 (bone morphogenetic protein 4), s’exprime en plus faible quantité chez les oiseaux à bec mince que chez ceux à bec large, ce que l’on peut modifier expérimentalement.
Un autre plus connu, codant pour la calmoduline (CaM) est également exprimé plus largement chez les pinsons à bec long et fin. Or la calmoduline intervient dans les signaux intercellulaires impliquant le calcium. Selon la concentration variable de celui-ci, la cellule active ou bloque diverses protéines contrôlant - entre autres - le développement et la différenciation des tissus.

Lors d’expériences, l’équipe a montré que CaM est activé par de fortes concentrations de calcium intracellulaire. Plus ce gène est activé, plus les poussins développent un long bec. Par contre, sa largeur n’est pas affectée.

En jouant sur les deux voies de signalisation BMP4 / épaisseur et CaM / longueur, on peut comprendre comment une grande diversité de formes de bec est apparue chez les pinsons de Darwin, par mutations puis sélections successives. Reste à savoir si ces mutations touchent un nombre restreint ou important de gènes pour produire une telle variété d’effets.

L.G.
D’après Nature - vol.442 - 3 Août 2006.

Trois pinsons de Darwin