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Sciences de la vie et de la Terre

Lâcher de moustiques sur la Malaisie

02 / 11 / 2008 | Liliane Grandmougin

La dengue, maladie provoquée par un virus, et dont le vecteur est un moustique, est à l’origine de graves fièvres, en particulier dans sa forme hémorragique. Selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), elle risque de toucher 50 millions de personnes par an dans le monde. En Malaisie, où l’on compte des dizaines de milliers de cas chaque année, on s’apprête à lâcher sur le pays des millions de moustiques, pourtant vecteurs de la maladie ! Mais…pas n’importe quels moustiques : ils ont été génétiquement modifiés.

Aedes aegypti est un moustique dont la femelle transmet un arbovirus, agent de la dengue, par sa piqûre (cycle), au cours de la journée (et non la nuit, contrairement à d’autres moustiques). Peu après l’accouplement, la femelle fécondée une seule fois pour toute sa vie effectue un repas de sang, afin de constituer des réserves pour les oeufs. L’institut de recherche médicale à Kuala Lumpur projette de lâcher des mâles rendus stériles, qui entreraient en compétition avec les mâles sauvages fertiles, afin de fortement diminuer la population et ainsi tenter d’éradiquer la maladie.

Cette stratégie a déjà été utilisée par le passé avec d’autres insectes stérilisés par radiations. Cependant les mâles obtenus se sont montrés moins compétitifs face aux mâles fertiles quand il s’agit de moustiques. Cette fois, la stérilisation des mâles créés par Oxitec, une compagnie située à Oxford, fait intervenir une modification du génome : un élément génétique, LA513A, est inséré dans l’ADN des moustiques ; il tue la progéniture au stade larvaire si elle ne reçoit pas de tétracycline.

Lorsqu’en laboratoire on leur donne un aliment contenant cet antibiotique, les moustiques se multiplient par milliers. Dans la nature, cette modification génétique entrant en action devrait- en théorie- décimer la population d’A.aegypti. Les essais ont en effet montré que les mâles stériles devenaient dans ce cas compétitifs face aux souches sauvages.

Cependant les rumeurs d’un lâcher de moustiques sur Pulau Ketam, petit village de pêcheurs à quelques kilomètres de Kuala Lumpur, pour un essai sur le terrain, ont alarmé les écologistes. Ils reprochent au gouvernement de ne pas prendre en compte les effets potentiels à long terme sur les écosystèmes, en particulier la possibilité d’extension de la mutation. Les scientifiques répondent que, bien qu’on ne répande pas à la légère des individus génétiquement modifiés dans la nature, il faut prendre en compte la part des avantages face aux risques. Ici, les moustiques ne sont pas censés se reproduire, donc limitent les possibilités de propager la modification génétique dans leur milieu.

Cette nouvelle technique de stérilisation des moustiques intéresse vivement d’autres chercheurs, ceux qui tentent d’éradiquer une des plus importante maladie mortelle de la planète, la malaria.

L.G.
D’après Nature, vol. 453-22 Mai 2008