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Sciences de la vie et de la Terre

Maturation des LB intestinaux

01 / 02 / 2014 | Liliane Grandmougin

Les intestins des mammifères contiennent jusqu’à 100 fois plus de bactéries que les cellules de leur hôte. Parmi elles se trouvent des alliées, qui aident à la digestion des aliments, mais aussi des pathogènes. Comment faire la distinction pour notre système immunitaire ?

Dès la naissance, l’intestin est colonisé par des bactéries. Cette flore intestinale a des vertus variées, allant de la digestion de certains éléments (par exemple la cellulose) à la production de vitamines. Leur diversité permet, en occupant le milieu, de limiter la prolifération de pathogènes par sélection naturelle. On soupçonne même qu’un déséquilibre dans les espèces symbiotes favoriserait certaines formes d’obésité.
Des chercheurs ont montré que chez la souris, elles aideraient aussi les lymphocytes B dans leur maturation.
Les lymphocytes B sont les cellules à l’origine de la production des anticorps. Ils sont produits chez l’adulte par un organe lymphoïde primaire, la moelle osseuse, sous forme de pro-B, qui expriment des récepteurs spécifiques. Ces récepteurs, sortes d’anticorps membranaires, sont d’une extrême diversité, car résultat de réarrangement géniques aléatoires. Chaque LB ne produit qu’un seul type d’anticorps, mais celui-ci peut potentiellement reconnaître nos propres molécules et présenter un danger pour notre organisme. C’est ce qui est à l’origine de maladies auto-immunes. Il y a donc une sélection de lymphocytes qui s’opère dans la moelle osseuse, milieu stérile. Des cellules spécialisées sélectionnent les LB auto-réactifs en leur présentant des antigènes du Soi ; les LB qui possèdent un récepteur complémentaire sont alors inactivés ou éliminés. Le même mécanisme se produit dans le thymus avec les lymphocytes T.

Dans le cas des bactéries intestinales, il semble en apparence impossible qu’il y ait un contact entre ces symbiotes et notre « milieu intérieur ». L’épithélium est en effet recouvert de mucus, et la lamina propria qui se trouve dessous est stérile. On y trouve aussi des cellules immunitaires (cellules dendritiques, lymphocytes T, cellules M dans la couche épithéliale). Pourtant il n’est pas rare que de minuscules lésions permettent l’entrée des bactéries donc puissent déclencher un contact avec le système immunitaire et une réaction inflammatoire.

Des chercheurs ont découvert dans la lamina propria de souris des lymphocytes au stade pré-B, c’est à dire non encore éduqués au soi. Si les animaux sont élevés en milieu stérile, ces cellules sont peu nombreuses. Par contre, mises en présence de bactéries intestinales, le nombre de pro-B augmente. Il est donc possible que ces minuscules symbiotes jouent un rôle double : chez l’animal très jeune, l’entrée de bactéries dans l’épithélium intestinal pourrait participer à une tolérance à leur égard, qui éviterait plus tard leur élimination, tandis que chez l’adulte, les nouvelles espèces (dont les pathogènes) seraient détectées soit par les cellules M, soit directement par les cellules dendritiques, et activeraient sur place les LB, contribuant à augmenter la grande diversité du répertoire d’immunoglobulines.
Reste à vérifier que ce mécanisme existe également chez l’humain. C’est en tous cas une piste pour l’élaboration de probiotiques ou utilisation de bactéries symbiotes spécifiques après traitement aux antibiotiques pour un rétablissement plus efficace du patient.

L.G. d’après Nature - vol.501 - 5 septembre 2013