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Sciences de la vie et de la Terre

Pour un débat rationnel : les OGM en Afrique et en Asie

09 / 03 / 2014 | Liliane Grandmougin

En Europe, les OGM sont considérés comme dangereux pour la santé mais aussi comme une solution contre la faim dans le monde. Qu’en est-il dans les pays en voie de développement qui sont surtout les plus concernés par ce fléau ?

Le débat qui partage les pays industrialisés à gagné le reste du monde. En Inde, il est question d’interdire les essais en champs des OGM pour les dix prochains années tandis qu’au Kenya, où plus d’un quart de la population est mal-nourrie, le gouvernement à choisi l’an dernier d’interdire l’importation d’OGM pour l’alimentation, mais autorise toujours la recherche sur les cultures. Ces réponses semblent plus avoir des bases émotionnelles que rationnelles.

Dans les pays les plus pauvres, le débat n’a pas les mêmes bases qu’en Europe et toutes les solutions doivent être envisagées pour lutter contre la faim, y-compris les OGM. Les nouveaux cultivars ont permis d’accroître les productions ces 50 dernières années dans les pays industrialisés. Dans les pays en voie de développement, il va falloir faire face à un accroissement de la population en même temps qu’un changement climatique, donc rapidement mieux gérer l’eau, les fertilisants, l’utilisation des sols, la tolérance des plantes aux inondations ou sécheresse, les ravageurs déjà présents ou de nouveaux, mais aussi un stockage et des moyens de transport plus efficaces. La génétique n’est pas la solution unique envisageable, plutôt un complément des techniques conventionnelles. Dans certains cas pourtant il n’y a pas d’autre alternative ; les scientifiques ont cherché pendant des années à rendre les cultures d’une variété locale de fève (Vigna sp., voème-légumineuse répandue dans les savanes africaines) résistantes à un papillon ravageur appelé le « maruca pod borer ». Or il existe dans le sol une bactérie, Bacillus thurengiensis qui produit une toxine qui pourrait le tuer. En introduisant le gène de cette toxine dans la fève, les chercheurs ont crée une plante qui résiste à 95% en essai confiné au Burkina Faso au Ghana et au Nigeria et la commercialisation en est prévue pour 2017. Les mêmes approches sont faites pour le manioc.

De même, des tests sont actuellement menés en Ouganda et au Mozambique sur des patates douces oranges, enrichies en provitamine A, pour lutter contre des carences fréquentes qui -entre autres- augmentent la mortalité infantile par sensibilité aux infections comme la rubéole. La plante enrichie peut être adaptée selon la région et le régime alimentaire usuel. Dans le cas du riz doré, la consommation de 150 grammes peut fournir 60% des apports de vitamine A recommandés en Chine pour les 6-8 ans. Sa commercialisation n’a pas encore été autorisée et son effet sur la santé humaine reste à tester directement.

Un autre point est que les biotechnologies sont toutes maintenant assimilées aux OGM, même lorsqu’elles n’ont aucun rapport, comme la culture tissulaire ou les cultures avec marqueurs, alors qu’elles viennent renforcer les techniques traditionnelles. Les réactions émotionnelles qu’elles déclenchent viennent perturber la réflexion.

Quand les alternatives existent, on peut effectivement se questionner sur l’intérêt des OGM. Les restrictions à la seule alimentation animale, le fait de lier les fermiers aux sociétés de l’agroalimentaire ayant breveté les semences quand des solutions traditionnelles existent ne justifient pas l’utilisation des OGM. Mais il faut adapter les débats aux problèmes locaux et adapter la législation en conséquence. Les préoccupations européennes n’ont pas lieu d’être, face aux importantes famines et malnutrition devant lesquelles l’Afrique et l’Asie sont placées ; les décisions doivent se faire sur place.

L.G. d’après Nature vol.497- 2 mai 2013.

Pour en savoir plus : liens sur la série d’articles originaux, dont des graphiques (GM corps, a story in numbers) : http://www.nature.com/news/specials/gmcrops/index.html

Les OGM en trois plantes clefs :

Le riz doré : enrichi en provitamine A

 Personnes concernées, vivant avec moins de 1,5 usd par jour et consommant quotidiennement du riz : 400 millions
 Enfants pré-scolarisés affectés par une carence en vitamine A : 250 millions
 Nombre de morts en dessous de 5 ans qui pourraient être sauvés par apport de vitamine A : 1million

Vigna, fève résistante au Maruca

 Nombre de consommateurs en Afrique : 200 millions
 Augmentation prévue de production si résistance : 70%
 Réduction d’épandage d’insecticide prévue : 67%

Maïs résistant à la sécheresse

 Africains dont le régime de base dépend du maïs : 300 millions
 Proportion de maïs sub-saharien dont la production baisse à cause de sécheresse : 10-25%
 Augmentation potentielle des rendements avec cet OGM : 20-30%