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Sciences de la vie et de la Terre

[TraAM 2023-2024] : modéliser la contamination et rechercher l’immunité collective grâce aux microcontrôleurs.

26 / 05 / 2024 | Jean PREVOST

Pour l’année scolaire 2023-2024, l’académie de Créteil a été retenue pour participer aux Travaux académiques mutualisés (TraAM) dont le thème national est « usages des microcontrôleurs dans les pratiques pédagogiques en SVT ». Dans le cadre de ces TraAM, un groupe de trois professeurs de SVT exerçant dans des collèges et un lycée des trois départements de l’académie de Créteil a travaillé à mettre en place des séquences de cours répondant à la problématique suivante : « comment des activités de classe mises en œuvre par des élèves de collège et de lycée en SVT et qui nécessitent l’acquisition de données peuvent-elle permettre de développer des compétences numériques et de mobiliser l’esprit critique chez nos élèves en utilisant des microcontrôleurs ? ». De cette problématique commune, trois modalités d’utilisation ont été explorées :
* l’utilisation des microcontrôleurs à la place d’un dispositif ExAO « classique » ;
* l’utilisation des microcontrôleurs pour tester des solutions pour améliorer la qualité de l’air ;
* l’utilisation des microcontrôleurs pour modéliser.

Initialement, trois autres professeurs devaient participer à ces TraAM mais des soucis de matériel disponible, de temps ou bien la complexité des thématiques qu’ils souhaitaient explorer ont fait que leur expérimentation n’a pas pu aboutir à un article pour cette année scolaire.

1. Professeur expérimentateur

Jean PREVOST, lycée George CLEMENCEAU, Villemomble (93).

2. Liaison avec le programme et place dans la progression

Niveau concerné : seconde générale et technologique

Partie du programme :
 SVT : corps humain et santé / agents pathogènes et maladies vectorielles
 SNT : notions transversales de programmation

Place dans la progression : La séquence s’articule avec les SNT et intervient en SVT après avoir défini les types de maladies infectieuses par les modalités de propagation des pathogènes.

3. Motivation et problème à résoudre

L’hésitation vaccinale trouve en partie son origine dans le manque de connaissance de la population sur la propagation des pathogènes ainsi que dans l’absence de perception des dangers liés aux maladies ciblées par les vaccins. En effet, conjuguer vue d’ensemble et compréhension des implications concrètes n’est pas aisé et constitue un véritable enjeu sociétal.

En résumé : Comment amener les élèves à manipuler ces concepts pour mieux comprendre la façon dont sont mises en place des politiques publiques en faveur de la vaccination ainsi que leur intérêt ?

4. Connaissances et compétences associées

Notions :
BOEN spécial n° 1 du 22 janvier 2019 :
La propagation du pathogène se fait par changement d’hôte. La propagation peut être plus ou moins rapide et provoquer une épidémie (principalement avec des virus). La connaissance de la propagation du pathogène (voire, s’il y en a un, du vecteur) permet d’envisager les luttes individuelles et collectives. Les comportements individuels et collectifs permettent de limiter la propagation (gestes de protection, mesures d’hygiène, vaccination, etc.).
Compétences :
SNT : Écrire et développer des programmes pour répondre à des problèmes et modéliser des phénomènes physiques, économiques et sociaux.
SVT :
Pratiquer des démarches scientifiques :
 formuler et résoudre une question ou un problème scientifique ;
 concevoir et mettre en œuvre des stratégies de résolution.
Concevoir, créer, réaliser :
 concevoir et mettre en œuvre un protocole.
Utiliser des outils et mobiliser des méthodes pour apprendre :
 coopérer et collaborer dans une démarche de projet.
Communiquer et utiliser le numérique :
 communiquer sur ses démarches, ses résultats et ses choix, en argumentant ;
 utiliser des outils numériques.
Adopter un comportement éthique et responsable :
 fonder ses choix de comportement responsable vis-à-vis de sa santé en prenant en compte des arguments scientifiques ;
 comprendre les responsabilités individuelle et collective en matière de santé.

5. Les outils numériques utilisés

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https://microbit.org/fr/ : Carte micro:bit V1 = microcontrôleur

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https://makecode.microbit.org : permet de coder le comportement de la carte micro:bit

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Cette activité peut également être menée à l’aide de l’application Micro:bit de Vittascience dans Capytale (accessible par l’ENT).

6. Cadre de référence des compétences numériques :

Lien vers le CRCN

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Domaine 3 : création de contenu programmer

7. Déroulement global de la séquence

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8. Indications pratiques sur cette séquence

Durée : 1h + 1h 30 en SVT / 2 x 1h30 en SNT

Coût : : 28 € environ par dispositif, soit 468 € pour un groupe de 18 élèves. Ce matériel est bien sûr réutilisable chaque année et est d’intérêt pour d’autres disciplines (physique-chimie, SNT par exemple).

Prise en main par l’enseignant :
 très intuitive

Prise en main par les élèves :
 assez intuitive : les compétences de programmation et d’attitudes en expérimentation doivent être acquises pour que l’ensemble soit très intuitif.

Adaptabilité pour les élèves à besoins éducatifs particuliers ou élèves empêchés
Il est facilement envisageable de trouver tout au long de la séquence des moyens d’adapter l’activité, quel que soit le besoin ou la difficulté.

9. Déroulement détaillé de la séquence

En SNT, une activité aura amené les élèves à découvrir et comprendre le fonctionnement de la carte micro:bit. Cette activité aura de surcroît permis de définir, par leur degré de performance, le niveau de maîtrise des élèves pour la compétence « programmer ». Ce niveau de maîtrise permettra par la suite de différencier le travail de programmation de la carte en modulant la difficulté de la séance suivante qui aura pour objet de programmer la carte en vue du cours de SVT.

En SVT, on évoque la vaccination et la notion d’immunité collective, connue de certains élèves à la suite de la pandémie de Covid-19. On pose le problème : « Est-il possible d’atteindre un taux de vaccination suffisant dans un groupe de 18 élèves pour empêcher la circulation d’un virus (comme un virus grippal) et protéger un individu qui ne pourrait pas être vacciné ? »
Le lien est alors établi avec le travail engagé en SNT et la capacité de la carte micro:bit à communiquer des informations par ondes radio est présentée. On envisage alors la possibilité de la programmer pour modéliser la circulation d’un virus : une carte « contaminante » pourrait contaminer par liaison radio une autre carte, qui deviendrait à son tour contaminante. Il serait possible de configurer la carte en mode « vaccinée » où une éventuelle contamination ne donnerait pas lieu à une infection, voire en mode « gestes barrières » où la distance de contamination serait réduite. L’avantage de la carte micro:bit est qu’elle embarque un affichage Led qui nous permet à chaque instant de connaître son « état ». Le programme est discuté en classe (et formalisé ci-dessous).

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Description du comportement des microcontrôleurs à programmer.

On envisage alors le protocole à mettre en œuvre avec des cartes ainsi programmées :
chaque élève disposera d’une carte, portée autour du cou et alimentée par un boîtier à piles.

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Un seul élève portera une carte en mode « contaminant » au début de chaque expérience. On fera varier le nombre d’élève(s) portant une carte « vaccinée » en partant de 0 (expérience témoin) puis progressivement pour voir si « l’immunité collective » peut être atteinte.
Pour chaque expérience, les élèves se déplaceront aléatoirement dans la salle de cours pendant 1min30s, en essayant de reproduire les interactions du quotidien quand ils se croisent : discussion, déplacement côte à côte, évitement, etc.

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En SNT, les élèves arrivent donc avec la connaissance de la description du programme à coder. Une fiche d’activité reprenant cette description leur donne accès à 4 liens, chaque lien conduisant vers le programme à compléter dans MakeCode, par ordre de difficulté croissante.

Fiche d’activité de la deuxième séance de SNT

En fonction du niveau de maîtrise de la compétence « programmer » identifié lors de la séance précédente, un niveau de difficulté leur est conseillé, tout en les encourageant s’ils le souhaitent à commencer par un niveau plus difficile. A la fin de la séance, chacun a donc téléversé le code suivant dans une carte :
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fichier .hex à télécharger et à ouvrir dans MakeCode

Également accessible à l’adresse https://bit.ly/MicrobitContamination

De retour en SVT, les élèves mettent en œuvre la modélisation.
Les résultats (nombre de cartes non contaminées/contaminées/vaccinées) sont comptés et relevés dans un tableau au fur et à mesure des expérimentations.
Lors de la séance suivante, les résultats obtenus par les deux groupes de la classe sont observés, comparés et commentés. On répond aux questions suivantes :

  • A-t-on atteint un seuil d’immunité collective ?
  • En quoi ces résultats sont-ils acceptables ?
  • En quoi sont-ils critiquables et comment auraient-ils pu être améliorés ?

10. Exemples de travaux d’élèves

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11. Retours des élèves

A l’issue de cette activité, un questionnaire a été distribué aux élèves pour sonder leurs impressions. Il en ressort qu’ils ont apprécié le lien entre les SNT et les SVT. Ils ont eu le sentiment d’être les acteurs de la construction de l’activité et ont aimé ce changement par rapport aux cours plus traditionnels. Pour la moitié d’entre eux, l’activité a favorisé leur compréhension de la programmation et pour les trois quarts, celle du principe de l’immunité collective, de la critique des résultats expérimentaux et de la notion de modèle.

12. Analyse et évaluation du dispositif par l’enseignant

Plus-values dégagées :

 Le travail commun avec l’enseignement de SNT permet d’enrichir les contenus proposés par les deux disciplines et de gagner du temps sur la partie programmation en SVT.

 L’immunité collective a réellement été atteinte et la modélisation a permis de mettre ce phénomène en évidence. Il a été possible de mettre en parallèle les résultats obtenus (immunité collective atteinte pour environ 55% de vaccination en moyenne) avec ceux, officiels, de la grippe (50%) et leur différence avec ceux du Covid-19 (70% de vaccination nécessaire) ou de la rougeole (95%).

 L’implication physique des élèves dans la modélisation a favorisé leur compréhension des concepts travaillés.

 L’enseignant a eu la très agréable surprise, dans l’évaluation qui a suivi et dans laquelle il était demandé de « donner le nom d’une méthode collective de lutte contre une maladie », de voir 85% des élèves proposer la vaccination en réponse. Cette activité a sans doute contribué à faire évoluer leur compréhension de l’intérêt collectif des campagnes de vaccination.

Difficultés rencontrées :

 L’activité a des airs de jeu de type « Zombie » : « je suis contaminé ; mon but est de contaminer tout le monde » ou au contraire, « je ne suis pas contaminé ; mon but est de ne pas l’être ». Il a parfois été difficile de faire adopter aux élèves une attitude de « chercheur » : agir sans tenir compte de l’état de la carte que l’on porte pour se rapprocher des comportements réellement adoptés au quotidien. Cela a par exemple été insurmontable avec le groupe 5 (voir « 10. Exemple de travaux d’élèves ») dont certains élèves se sont révélés incapables de quitter l’état d’esprit de jeu et dont les résultats ont été significativement impactés. Ce problème a été soulevé avec les élèves lors du retour sur la modélisation ; ils ont eux-mêmes analysé rétrospectivement leur attitude et ciblé les comportements qui ne ressemblaient pas à la vie quotidienne, expliquant ainsi la différence de leurs résultats avec ceux obtenus par les autres groupes. La question de l’état affiché de la carte a été soulevée et un programme qui n’affiche pas en permanence cet état a été envisagé pour pallier le problème. Cependant, cela complique l’étape de programmation (contrôle du bon fonctionnement du programme), du lancement de l’expérimentation (quel élève est porteur de la carte contaminante, comment est-elle secrètement activée ?) et cela n’enlève pas la possibilité aux élèves de consulter leur « état » en cours d’expérimentation. Aussi, il semblerait plus pertinent de profiter de ces conditions pour travailler leur attitude d’expérimentateur.

 Les cartes étaient programmées pour passer en mode « gestes barrières ». Les élèves pouvaient s’en emparer pour affiner leurs protocoles. Cela a été envisagé, notamment pour comparer l’effet théorique de la vaccination à celui des gestes barrières mais le temps a manqué et aucun groupe n’a finalement exploité cette fonctionnalité.

 L’activité de programmation s’est révélée compliquée pour les élèves. N’ayant pas acquis la capacité de programmer en langage python, ils ont tous essayé en passant par la programmation par blocs. Mais même ainsi, la notion de variable a été une difficulté pour la plupart d’entre eux. Il a été décidé avec l’enseignant de SNT de travailler davantage sur ce point l’année prochaine avant la séance de programmation proprement dite. On peut aussi envisager le même programme sans la fonction « gestes barrières » pour simplifier l’étape de programmation.

13. Une piste d’adaptation en cycle 4

Cette activité peut être menée en cycle 4 en donnant directement les microcontrôleurs déjà programmés aux élèves. Il s’agira essentiellement de travailler les compétences de mise en œuvre d’un protocole et de travail de l’esprit critique, ainsi que les notions de vaccination et "relier ses connaissances aux politiques de prévention et de lutte contre la contamination" (BOEN n°31 du 30 juillet 2020).