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Sciences de la vie et de la Terre

Helmut, à poils laineux...

07 / 04 / 2013 | Marie-Jeanne Pellerin

Helmut, c’est le surnom du mammouth du plateau de Brie. Le 6 novembre 2012, la presse a annoncé à Changis-sur-Marne, la découverte du squelette quasi complet d’Helmut, un mammouth laineux qui vivait sur le plateau de brie entre -50 000 et 200 000 ans. (Voir la série de photographies « Un Mammouth en Seine-et-Marne ! »)

003. Vue zénithale du site.

Je vous propose aujourd’hui quelques documents locaux accessibles aux élèves et permettant de comprendre comment était le plateau de Brie à l’époque d’Helmut ainsi que des documents Anagène et Rastop récents (voir le document joint helmut_molecules.zip.) afin de mieux comprendre l’origine et la physiologie d’Helmut.

* Une roche produit et témoin du temps, le limon des plateaux

Le limon des plateaux recouvre le plateau de Brie, il en fait la richesse agricole !

Il repose de façon discordante sur la surface érodée de ce plateau entaillé par les rivières. On le voit très bien sur la feuille géologique de Lagny au 1/50 000 du côté de Magny-le-Hongre (cercle rouge). La roche jaune clair (LP pour limon des plateaux) recoupe la formation de Brie (g1b, argile, meulière et calcaire) les marnes vertes (g1a), les marnes blanches et bleues (e7b), et le gypse (e7a). Elle s’est donc formée après toutes ces roches (principe de recoupement).

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Cette roche est de teinte fauve ocracée. Elle contient des argiles et des grains de sable et un peu de calcaire qui a disparu en surface sous l’effet de l’altération. En Brie, l’amélioration des sols se fait en ajoutant de la chaux afin de remédier à ce problème.

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Photo de M.J. Pellerin

Il est très facile d’extraire les grains de sable du limon des plateaux. Il suffit de prendre une pincée de limon et de la mettre en suspension dans un peu d’eau dans un couvercle de boite de Pétri en plastique par exemple. L’eau devient trouble car les argiles passent en suspension et tant qu’elle est trouble, on vide l’eau et on la remplace par de l’eau propre. Quand l’eau est claire, on en vide une partie et on observe à la loupe binoculaire. On y observe deux types différents de grains de silice.

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Photo : M.J. Pellerin

Des gros grains arrondis et mats et des petits grains anguleux.

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Dessin : M.J. Pellerin

Le limon des plateaux a été déposé par les vents puissants venus de l’Est de l’Europe au pourtour de l’inlandsis qui occupait la Sibérie et des glaciers qui occupaient les alpes.

Pour les plus curieux, les grains noirs opaques correspondent à des oxydes de fer qui peuvent être présents en grande quantité. Ils ont été extraits historiquement du limon des plateaux afin d’alimenter des forges locales.

On peut donc mieux imaginer le climat où vivait Helmut : gel à pierre fendre, vents violents transportant épisodiquement des nuages de poussières depuis les zones désertiques provenant des environs de l’inlandsis.

* D’où viennent les mammouths laineux ?

On peut établir avec Phylogène et le fichier des Théthytheriens, la parenté du mammouth avec les éléphants actuels l’éléphant d’Asie et l’éléphant d’Afrique. D’où est–il venu, d’Afrique ou d’Asie ? Les critères morphologiques retenus permettent d’établir la parenté entre éléphant d’Asie et mammouth laineux (critère tour de l’orbite).

On peut également faire le travail avec l’ADN mitochondrial. En 2003, une équipe de chercheurs séquença pour la première fois de l’ADN mitochondrial de mammouth extrait de poils de mammouth (voir le document ci-dessous, issu du site SNV de Jussieu, professeur Lafleur).

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Poils de mammouth utilisés pour l’extraction de l’ADN mitochondrial
Photo tirée du site SNV de Jussieu (professeur Lafleur).

J’ai préparé un fichier Anagène .edi sur la parenté du mammouth, des éléphants d’Asie et des éléphants d’Afrique. Les gènes ont été téléchargés sur le site du NCBI pour élaborer ce fichier. J’ai retenu l’ADN mitochondrial du gène de la Cytochrome oxydase sous-unité II.

Ce fichier utilisé avec Anagène permet d’obtenir les résultats suivants en comparant les séquences deux à deux :

Comparaison Eléphant d’Afrique Eléphant d’Asie
mammouth laineux 94% 95,2%

Donc Helmut est arrivé d’Asie.

* Helmut était-il la seule espèce de mammouth présente à cette époque ?

Dans le fichier du NCBI, existe un mammouth américain, le mammouth de Colomb (Mammuthus colombi). Ce dernier, proche cousin du célèbre mammouth laineux (Mammuthus primigenius), vivait en Amérique du Pléistocène moyen à la fin du Pléistocène. Cet immense animal, l’un des plus grands éléphants n’ayant jamais existé, possédait des mensurations impressionnantes. Les mâles pouvaient atteindre 4 mètres au garrot, pour un poids de 10 tonnes. Quant aux défenses de ces géants, elles pouvaient elles aussi atteindre 4 mètres.

On peut ainsi établir avec Phylogène, (fichier Mammuthus columbi.adn), la parenté de ce mammouth avec le mammouth laineux.

Comparaison Eléphant d’Afrique Eléphant d’Asie mammouth de Colomb
mammouth laineux 94% 95,2% 99,3%

Donc Helmut appartenait à un ensemble d’espèces diversifiées. Pour un animal d’origine tropicale, il s’est très bien adapté au froid puisqu’ils se sont diversifiés.

* Comment Helmut résistait-il au froid ?

On observe de multiples modifications afin de faire face au grand froid :

 Une toison très dense composée de poils très longs, de différents types, longs crins, sous poils et poils de bourre ;
 Une bosse sur la tête faisant office de réserve de graisse ainsi qu’une couche de graisse sous-cutanée isolante ;
 De petites oreilles et une queue courte afin de perdre le moins de chaleur possible (loi de Allen) ;
 Un clapet anal afin de ne pas perdre trop de chaleur par les issues naturelles ;
 Une hémoglobine particulière dont la synthèse par génie génétique a été réussie en 2010.

* L’hémoglobine du mammouth laineux

Avant de pouvoir accéder à un mammouth entier, les scientifiques ont réussi un prodige qui leur a pris 7 ans, faire produire à E. coli de l’hémoglobine de mammouth après transformation des bactéries par un plasmide contenant les gènes de l’hémoglobine du mammouth laineux. Le gène de l’hémoglobine avait été recherché dans des ADN bien conservé d’os de mammouth extrait du pergélisol.

Cette hémoglobine a été cristallisée et un fichier pour Rastop est joint à ce dossier. Les fichiers Rastop ont été téléchargés sur le site de la Protein data bank.

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L’hémoglobine de mammouth comme celle de tous les mammifères est constituée de 4 sous-unités et l’oxygène se fixe sur l’hème au niveau de son atome de fer (molécule 3VRG).

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Lorsque cette hémoglobine a été testée quant à la fixation du dioxygène, il est apparu qu’elle fixait mieux le dioxygène que celle de l’éléphant d’Asie, comme le montre le graphe produit par les chercheurs (Substitutions in woolly mammoth hemoglobin confer biochemical properties adaptive for cold tolerance).

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Tiré de l’article :
Substitutions in woolly mammoth hemoglobin confer biochemical properties adaptive for cold tolerance
Par : Kevin L Campbell,1Jason E E Roberts,1Laura N Watson,2Jörg Stetefeld,3Angela M Sloan,1Anthony V Signore,1Jesse W Howatt,1Jeremy R H _ Tame,4Nadin Rohland,5, 8Tong-Jian Shen,6Jeremy J Austin,2Michael Hofreiter,5, 9Chien Ho,6Roy E Weber7, 10& Alan Cooper2, 10
In Nature Genetics 42, 536–540 (2010)

Lorsqu’il fait froid, la fixation de l’oxygène par l’hémoglobine est ralentie, sauf pour les mammouths grâce à leur hémoglobine performante.

* Comment est obtenue cette hémoglobine plus performante ?

L’utilisation du fichier Anagène permet de comparer les séquences d’une chaine issues des trois espèces.

comparaison Eléphant d’Afrique Eléphant d’Asie
mammouth laineux 4 acides aminés
 En 12 Thr remplacé par Ala
 En 51 Glu replacé par Asp
 En 86 Ala remplacé par Ser
 En 101 Glu remplacé par Gln
3 acides aminés substitués
 En 12 Thr remplacé par Ala
 En 86 Ala remplacé par Ser
 En 101 Glu remplacé par Gln

Les numéros de position donnés sont décalés d’une place par rapport au résultat d’Anagène car Met compte normalement pour 0 et non 1, mais il est important de décaler ces numéros car ils le sont dans la molécule Rastop correspondante ( 3VRE).

On peut ainsi localiser dans Rastop la place de ces mutations et on constate que deux d’entre elles en positions 101 et 86 sont proches de l’hème. En modifiant la répartition des charges électriques dans la protéine, les capacités de l’hème sont améliorées (molécule 3VRF).

Les chercheurs pensent que de telles mutations de l’hémoglobine ont été sélectionnées après une vie des ancêtres du mammouth laineux dans des régions montagneuses.