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Sciences de la vie et de la Terre

Tsunami : un monde divisé

01 / 09 / 2005 | Sacha Touille
TSUNAMI  : UN MONDE DIVISÉ (02/2005)

L’ampleur du récent désastre en
Asie a laissé la communauté scientifique sous le même
choc que celui qui a saisi toute la population de la planète.
Le tsunami du 26 décembre 2004 s’est produit vers 1 heure
GMT, suite à un mouvement tectonique et un séisme de 9
sur l’échelle de Richter, le plus important depuis 40 ans.
La plaque indienne, poussée par la plaque australienne remontant
vers le nord, a bougé sous la microplaque birmane, soulevant celle-ci
de plus de 10mètres, sur une longueur de 1000 à 1200 Kms.
Ce brusque déplacement de masse est à l’origine d’une
vague voyageant à très grande vitesse (500 à 800
Kms/h), sans perte d’énergie jusqu’à ce que
le fond s’élève et lui fasse prendre une ampleur
de 20 à 30m : un tsunami dévastateur lorsqu’il atteint
les côtes.
Des catastrophes se sont déjà produites par le passé,
mais celle-ci mérite plus qu’un brusque élan de charité.
Plusieurs interrogations débouchent sur un certain malaise et
un sentiment de culpabilité. Pouvait-on prévoir et prévenir
un tel désastre ? En effet, les dégâts les plus importants
se sont produits sur les côtes est de l’Inde et au Sri Lanka,
deux heures après le séisme. Des stations, aux Etats-Unis
et au Japon, avaient enregistré et signalé l’événement
en temps réel, sans apparemment faire grand-chose, malgré les
moyens modernes de communication.
Ce n’est pas tout à fait ce qui s’est passé :
les premières estimations de la magnitude du séisme donnaient
une valeur de 8 sur l’échelle de Richter, ce qui est important
mais pas exceptionnel pour un phénomène sous-marin, dans
une zone de subduction. En absence de système de surveillance
local, rien ne laissait prévoir un tsunami. Aussi la plupart des
chercheurs américains sont-ils allés se coucher la nuit
de Noël, sans se douter du carnage qui allait suivre.
Pour l’Ouest de Sumatra, la proximité de l’épicentre
ne laisse aucun doute : toute tentative d’alerte aurait été vaine
dans un si bref délai. Qu’en est-il des autres régions
 ?
Là, un système de surveillance comme celui qui existe autour
de l’Océan Pacifique aurait pu faire la différence.
Pourtant, les menaces étaient connues : un rapport en 1999, établi
par une des organisations chargées de surveiller les tsunamis
(l’ITSU) signalait déjà : « les risques de
tsunami existent des deux côtés de l’Océan
Atlantique, dans l’est de l’Océan Indien, en Méditerranée,
aux Caraïbes et en Mer Noire ; il faudrait encourager tout effort
de prévention ».
Le Pacifique est sous surveillance étroite depuis les raz-de-marée
de 1960 et 1964, tandis que le dernier séisme dans l’Océan
Indien remonte à 1833 : les risques ont été négligés.
De plus, le Pacifique borde les côtes des USA, du Japon et de l’Australie,
plus à même d’utiliser des moyens de prévention
efficaces que la plupart des pays pauvres de l’Asie du sud. Ceux-ci
ont des préoccupations plus terre-à-terre que la surveillance
d’un événement inéluctable, mais lointain.
Comment malgré tout mettre en place à peu de frais un système
de prévention ? Par exemple en informant la population de quelques
signes avant-coureurs comme un brutal retrait de la mer sur une longue
distance. Une autre possibilité consiste à centraliser
toutes les informations sismologiques de la région, comme c’est
le cas à Hawaï, pour prévenir rapidement un réseau
local de radios ou télévisions, complété si
possible par des sirènes d’alarme, pour les zones qui ont
les moyens de s’équiper. Ainsi, les outils technologiques
qui nous ont permis d’assister à la catastrophe, impuissants,
depuis notre salon, auraient-ils pu limiter les pertes.
Ce récent événement a fait prendre la mesure des
lacunes à combler. Il faut espérer que les spécialistes
des Sciences de la Terre feront pression sur les pays riches pour aider
les plus pauvres à s’équiper, comme l’ont fait
les biologistes dans le cas des maladies tropicales, par exemple. On
n’en attend pas moins de toute la communauté scientifique,
afin que les gouvernements changent leurs priorités budgétaires
pour le bien non de quelques groupes d’intérêt, mais
celui de l’humanité tout entière.

L.G

D’après
Nature-editorial du vol. 433-6 Janvier 2005