Retour
aux autres exemples
La synthèse
proposée ici se fonde sur le bilan de diverses progressions
réalisées en 2000/2001 dans des classes de seconde
de niveau hétérogène. Elle concerne la partie
" L’organisme en fonctionnement " du nouveau
programme de seconde.
{{}}
|
Une conception forte
chez beaucoup d’élèves : " Un organe
c’est creux et cela se remplit de sang ",
Cette conception
peut être mise en évidence de nombreuses façons. En
voici deux exemples :
1/ Après
avoir évoqué les besoins en dioxygène du muscle et
le rôle du sang dans le transport du dioxygène, nous
avons demandé aux élèves de représenter par
un schéma comment le dioxygène est transporté
des poumons aux muscles. Le schéma ci-dessous est très représentatif
des réponses proposées.
2/ Après
avoir réalisé une épreuve de " bras de
fer " avec son voisin, chaque élève doit expliquer
par un texte ce qui fait durcir et gonfler les muscles du bras pendant
la contraction. Voici deux réponses caractéristiques :
- " Lorsque
le muscle durcit et grossit, le triceps et le biceps augmentent de volume,
il y a une concentration de sang "
- " Je
pense que le sang se concentre, c’est ce qui fait qu’il y a
un gonflement et donc une contraction du muscle ".
A notre avis,
ces réponses révèlent toutes une conception très
forte sur la structure des muscles et des poumons (et probablement de
tous les autres organes). Ceux-ci sont perçus comme des cavités
creuses (au moins en partie). Le sang y arrive par un tuyau, s’y
accumule, en repart éventuellement par un autre tuyau (ou le même).
Cette conception
est un obstacle dans la mesure où elle empêche de comprendre
diverses notions relatives au nouveau programme de seconde.
Ainsi, elle ignore
totalement le fait que les organes sont constitués de cellules
et que les capillaires sanguins cheminent entre ces cellules. Cela ne
permet donc pas de comprendre comment sont irrigués les muscles,
les poumons et le cœur. De nombreuses notions telles que les échanges
gazeux dans les poumons, la circulation coronaire ou encore les variations
de débit sanguin dans un organe risquent alors d’être
très mal assimilées. D’autre part, avec cette conception,
la contraction n’est pas liée à un raccourcissement,
mais à un gonflement du muscle. On peut alors se demander quel
est le sens donné par les élèves à la consommation
de dioxygène pendant l’effort. Est-ce pour la production d’énergie ?
Où est-ce, comme nous l’avons quelquefois rencontré,
pour permettre au muscle de se gonfler comme un ballon ?
Notre but a donc
été de modifier cette conception pour amener les élèves
vers une autre conception que nous avons formulée ainsi :
les poumons, les muscles et tous les organes du corps ne sont pas des
cavités creuses qui peuvent se remplir de sang. Ils sont constitués
de cellules entre lesquelles le sang circule dans des capillaires sanguins.
" Provoquer "
les élèves pour déstabiliser cette conception .
Pour atteindre
notre objectif, nous avons essayé de " mettre en scène "
des situations-problèmes, c’est- à-dire des situations
de rupture qui amènent les élèves à faire
fonctionner leurs conceptions et surtout à commencer à douter
de leur validité. En voici quelques exemples :
1/ Questionnement,
volontairement provocateur, sur des faits contradictoires :
- - Quand
une infirmière va vous faire une piqûre dans les fesses,
elle vous dit toujours que " c’est rien du
tout "…pour vous rassurer ! Mais en faisant un trou
dans le muscle, tout le sang risque de partir… ?
Le danger semble réel ! Qu’en pensez-vous ?
- - Pendant
un match de football, les joueurs n’arrêtent pas de cracher
par terre. S’il y a du sang dans les poumons, on pourrait
en avoir dans les crachats… Et si un joueur était
séropositif ?
- - Si
le sang s’accumule dans les muscles lors des contractions, comment
expliquer qu’il circule plus vite dans l’ensemble
du corps lors d’un effort ?
2/ Confrontation
de la conception des élèves à celle du niveau de
formulation à atteindre : nous avons présenté
un schéma de la circulation sanguine où les capillaires
sont pris en compte (cf. document ci-dessous) et nous leurs
avons demandé d’expliquer la signification de
ces vaisseaux qui semblent " traverser " les organes.
D’après
Bordas Seconde
Si ces phases
de rupture fonctionnent, ce dont il faut s’assurer car les élèves
ont beaucoup de ressources pour adapter leurs conceptions à des
situations imprévues, il est alors possible d’envisager l’étape
suivante de reconstruction du savoir.
Des outils pour
résoudre les situations-problèmes.
Dans toutes nos démarches,
il fallait ensuite que les élèves travaillent par petits
groupes pour répondre à des questions soulevées pendant
la phase des situations-problèmes : comment circule le sang
à l’intérieur des muscles, des poumons, du cœur ?
Au cours de leur réflexion, diverses informations étaient
fournies pour leurs permettre d’avancer :
1/ Pour les
muscles :
- observation
d’un frottis musculaire, de coupes transversale et
longitudinale colorées de muscles, dans le but de mettre
en évidence la structure cellulaire de ces
organes et la présence de capillaires entre
les cellules.
- observation
d’un film montrant le sang circuler dans les
capillaires.
2/ Pour les
poumons :
- observation
de poumons pour montrer qu’il ne sont pas creux
et qu’ils sont très irrigués.
- construction
à partir d’un schéma, d’une maquette montrant
comment est canalisé le sang dans une alvéole
pulmonaire (avec un sac en plastique, des pailles pour
les artérioles et les veines, du fil de fer souple pour les
capillaires,…)
- observation
de photos du tissus pulmonaire pour montrer la
structure cellulaire de la paroi des alvéoles et la présence
de capillaires.
3/ Pour le
cœur :
- dissection
d’un cœur de mouton en insistant sur la différence
entre circulation générale (le cœur
est effectivement creux…) et circulation coronaire
(…mais en partie seulement)
- observation
de photos du tissus cardiaque pour mettre en évidence la structure
cellulaire.
En théorie,
il faudrait introduire ces différents outils en fonction des besoins
de chaque groupe. Dans la pratique, nous ne l’avons pas fait souvent,
essentiellement pour des raisons d’organisation des T.P. Il n’était
pas possible, par exemple, de réaliser une dissection " à
la carte ". Certaines informations ont donc été
fournies de façon directive et non personnalisée. Cependant,
l’expérience semble montrer que cela n’altère
pas fondamentalement le principe de fonctionnement des groupes.
Par contre, il
faut rester toujours très vigilant pour que ces outils soient donnés
en tant qu’informations et non en tant que solutions " toutes
faites " du professeur. On peut rapidement tomber dans le piège
d’outils perçus comme arguments d’autorité qui
renvoient alors l’élève à une situation passive,
attendant qu’on lui fournisse la " bonne " réponse.
D’autre
part, pour renforcer la rupture, l’apport de chaque information est
l’occasion pour nous de multiplier les remarques sur l’obstacle
à franchir. Par exemple, en travaillant sur l’observation
de la structure cellulaire des muscles, nous avons insisté sur
le fait que ces organes n’étaient manifestement pas creux.
Ecrire pour structurer
la pensée.
A un certain stade
du travail, même s’il n’est pas achevé dans tous
les groupes, il est fondamental que chaque élève réalise
une synthèse écrite de ce qu’il a compris. Cette phase
permet de structurer la pensée. C’est au moment de devoir
rédiger que certains élèves plutôt passifs
jusqu’ici ont commencé à nous interroger sur la structure
des organes, l’organisation de la circulation sanguine, … bref
à nous poser de vrais questions.
C’est aussi
l’occasion de prendre du recul sur ce qui vient d’être
fait. Pendant cette phase d’écriture, il existe souvent une
certaine quiétude dans la classe, ce qui permet d’entamer
plus aisément une discussion avec un petit nombre d’élèves.
On peut ainsi parler de l’obstacle qui était abordé,
sachant que sa prise de conscience est une étape importante du
travail. On peut aussi discuter sur la méthode de travail :
par exemple un élève nous a dit avoir le sentiment d’être
" mené en bateau " dans la mesure où nous
connaissions la " bonne " réponse et que nous
faisions semblant de croire le contraire. Ce fût l’occasion
de montrer que l’objectif n’était pas ici d’apprendre
plus ou moins par cœur un savoir officiel, mais de construire son
propre savoir, pas à pas, de façon analogue à ce
qui se passe dans le monde de la recherche.
Retour
aux autres exemples
|