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Sciences de la vie et de la Terre

Bonobo, concept d’espèce et spéciation

15 / 09 / 2015 | Frédérique Théry

Cette activité est extraite d’un dossier proposant un ensemble de ressources pédagogiques autour du bonobo. Une exploitation possible de ces ressources en classe y est proposée, dans le cadre du programme de SVT du lycée.
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Bonobo, concept d’espèce et spéciation

Niveau : terminale S
Lien avec le programme : La diversité du vivant est en partie décrite comme une diversité d’espèces.
La définition de l’espèce est délicate et peut reposer sur des critères variés qui permettent d’apprécier le caractère plus ou moins distinct de deux populations (critères phénotypiques, interfécondité, etc.). Le concept d’espèce s’est modifié au cours de l’histoire de la biologie.
Une espèce peut être considérée comme une population d’individus suffisamment isolés génétiquement des autres populations. Une population d’individus identifiée comme constituant une espèce n’est définie que durant un laps de temps fini.
On dit qu’une espèce disparaît si l’ensemble des individus concernés disparaît ou cesse d’être isolé génétiquement. Une espèce supplémentaire est définie si un nouvel ensemble s’individualise.

Exploitation possible : justifier la pertinence de considérer le bonobo et le chimpanzé comme deux espèces distinctes, puis proposer un mécanisme expliquant pourquoi ces deux espèces géographiquement proches ne peuvent pas se reproduire entre elles.

Document introductif. L’« invention » du bonobo.
Dernier grand primate à avoir été identifié, le bonobo a d’abord été décrit comme une sous-espèce du chimpanzé : Pan satyrus paniscus, par le zoologiste berlinois Ernst Schwarz, en 1929. En 1933, l’américain Harold Jefferson Coolidge, expert en primatologie, affirme cependant que les différences entre les deux sous-espèces sont si importantes que les bonobos constituent une espèce à part entière. Le bonobo (bien qu’aussi appelé chimpanzé pygmée ou chimpanzé nain) est aujourd’hui considéré par la plupart des scientifiques comme une espèce distincte du chimpanzé.

Document 1. Bonobos et chimpanzés : quelques généralités.

Document 1a. Morphologie d’un bonobo.
Photographies prises au sanctuaire Lola Ya Bonobo, Kinshasa, RDC (© Lola Ya Bonobo).

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Document 1b. Morphologie d’un chimpanzé.
Photographies prises au Parc National de Gombe, Tanzanie.

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Document 1c. Quelques caractéristiques biologiques des bonobos et chimpanzés.

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Document 2. Comparaison morphologique du bonobo et du chimpanzé.
« Un bonobo est aussi différent d’un chimpanzé qu’un Concorde d’un Boeing 747. Même les chimpanzés concèderaient que le bonobo a plus de classe. Un corps gracieux et élégant, des mains de pianiste et une tête relativement petite, le bonobo a le visage plus aplati, plus ouvert, et le front plus haut que le chimpanzé. La face est noire, soulignée de lèvres roses, d’oreilles délicates et de larges narines. Les femelles ont des seins ; moins proéminents que dans notre espèce, mais des bonnets A sans conteste comparés à l’aspect de planche à pain des autres singes. S’y ajoute enfin un style capillaire qui caractérise le bonobo : des cheveux longs et noirs, nettement partagés par une raie au milieu.
Mais les deux singes se démarquent essentiellement par les proportions du corps. Grosse tête, nuque épaisse et larges épaules, les chimpanzés donnent l’impression de lever des haltères tous les jours dans un club de gym. Les bonobos, eux, se signalent par une apparence plus intellectuelle, avec un thorax mince, une carrure étroite, et un cou délié. Une grande partie de leur poids se répartit dans leurs jambes, plus longues que celles du chimpanzé. De sorte que, dans la marche à quatre pattes, ce dernier, prenant appui sur les articulations des doigts, a le dos courbé à partir de ses épaules puissantes, alors que celui du bonobo reste presque à l’horizontale en raison de la hauteur de ses hanches. Lorsqu’il se tient debout ou quand il marche, le bonobo paraît plus droit que le chimpanzé, ce qui lui donne une posture humaine pour le moins dérangeante. (…).
Le bonobo fait partie des derniers grands mammifères découverts par la science. La rencontre date de 1929 et se produisit non pas dans un habitat africain luxuriant, mais dans un zoo colonial belge, à la suite de l’examen d’un petit crâne qu’on croyait être celui d’un jeune chimpanzé. Cependant, chez les animaux immatures, les sutures des os du crâne sont habituellement indépendantes. Or, là, elles étaient soudées. Concluant que le crâne était sans doute celui d’un chimpanzé adulte pourvu d’une tête plus petite que la normale, Ernst Schwartz, un anatomiste allemand, annonça qu’il était tombé par hasard sur une sous-espèce encore inconnue. Les différences anatomiques furent vite jugées suffisamment importantes pour élever le bonobo au rang d’espèce entièrement nouvelle : Pan paniscus. »
D’après : Frans de Waal, Le singe en nous, Fayard/Pluriel, 2011.

Document 3. L’histoire évolutive du bonobo et du chimpanzé.

Document 3a. Répartition géographique des populations de chimpanzés et de bonobos en Afrique.
Les bonobos habitent exclusivement dans les forêts tropicales humides de République Démocratique du Congo. Ils occupent un territoire délimité au nord et à l’ouest par le fleuve Congo et la rivière Lukenie, à l’est par la rivière Lualaba, et au sud par la rivière Kasaï/Sankuru. Dans la mesure où les grands singes ne savent pas nager, le fleuve Congo sépare complètement les bonobos des populations de chimpanzés et de gorilles vivant au nord de ce fleuve.
Les chimpanzés sont quant à eux rencontrés dans 21 pays africains, de l’ouest à l’est de l’Afrique, au niveau de la zone équatoriale. Ils vivent essentiellement dans la forêt tropicale (humide ou sèche), mais s’aventurent parfois dans la savane.
Séparées par le fleuve Congo, les populations de bonobos et de chimpanzés n’ont pas connu au cours de leur histoire évolutive les mêmes conditions environnementales. En particulier, au sud de ce fleuve, les populations de bonobos n’ont pas connu de compétition avec les gorilles, absents de la région, contrairement aux populations de chimpanzés vivant au nord.

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Modifié d’après : K. Prüfer et al., « The bonobo genome compared with the chimpanzee and human genomes », Nature, 486, 527-531.

Document 3b. L’importance du fleuve Congo dans l’histoire évolutive des bonobos et des chimpanzés.
« Grâce à ‘l’horloge moléculaire’ – façon d’estimer la date de divergence entre 2 lignées à partir des écarts entre leur ADN –, les 0,4 % de différence entre le génome du bonobo et celui du chimpanzé tendent à confirmer l’hypothèse selon laquelle la formation du fleuve Congo, à partir de -2 Ma environ, a amorcé la séparation des 2 populations. »
« À partir des différences observées entre les génomes, on peut estimer quand le dernier ancêtre commun entre espèces vivait. Et pour les chimpanzés et les bonobos, ça pourrait être il y a 1 Ma. Il semble que ça a été une séparation très nette », explique Kay Prufer, l’un des chercheurs, lesquels n’ont pas trouvé d’indice significatif d’hybridation entre les 2 espèces depuis cette séparation. »
D’après : http://www.hominides.com/html/actua...

Document 4. Les relations de parenté au sein des grands Primates.
Les séquences génomiques du bonobo et du chimpanzé sont identiques à 99,6 %.

Document 4a. Etablissement des liens de parenté entre les grands Primates à partir d’études moléculaires.
La cytochrome oxydase est une enzyme indispensable à la respiration cellulaire chez les êtres vivants. La comparaison des séquences protéiques d’une de ses sous-unités (COX2) pour différents grands Primates a permis d’obtenir la matrice des distances suivantes :

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Les chiffres indiquent le nombre d’acides aminés différents dans la séquence protéique de COX2.

Cette matrice des distances permet de construire l’arbre phylogénétique suivant :

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Les chiffres indiquent l’âge estimé (en millions d’années) de divergence entre les espèces.

Pour aller plus loin :

 

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